Santé mentale
Après un cancer, une députée du Bloc veut raviver le débat sur le suicide assisté
Canadian Press
Par Isabelle Rodrigue, LA PRESSE CANADIENNE
13 avril 2008
OTTAWA - En plein coeur d'une lutte à finir avec un cancer redoutable, on pourrait comprendre que la députée du Bloc québécois, Francine Lalonde, ne veuille pas parler de la mort à tous les jours. Pourtant, elle persiste et a bien l'intention de forcer une fois de plus le débat sur le suicide assisté.
Souriante, l'air serein, la politicienne aguerrie a repris ses activités sur la colline du parlement il y a deux semaines. Quand elle se dresse aux Communes pour exiger des comptes du gouvernement, on peine à croire qu'il y a deux mois, elle livrait bataille à l'hôpital contre un cancer sournois.
L'épreuve s'est soldée par une réussite. Après un traitement à l'avant-garde, ce deuxième cancer, encore plus menaçant que le premier combattu en 2006, est maintenant sous contrôle.
Elle en parle sans réserve, explique en détail sa longue et douloureuse traversée, sans jamais s'apitoyer sur son sort. Pourtant, Mme Lalonde sait que ce cancer n'a pas totalement disparu, mais qu'il est en latence. Le traitement reçu devrait lui donner de 8 à 10 années de vie en bonne forme.
"Cette maladie mortelle m'habite toujours, note-t-elle, lucide. Alors que je pensais que j'avais laissé le cancer derrière moi, j'ai été mise subitement devant la réalité de ce cancer qui m'habitait. Et ça peut arriver à n'importe qui. Le myélome, pour ne pas le nommer, c'est un cancer qui peut entrainer une mort très souffrante."
Comment vit-elle, alors, avec cette réalité qui pourrait en tétaniser plus d'un? "N'importe qui peut être en situation de mourir dans 10 ans (...), a expliqué la députée montréalaise, âgée de 67 ans. Dans le fond, la question qui se pose plus, c'est de s'habituer à l'idée de la mort."
L'idée de la mort, Francine Lalonde a commencé à l'apprivoiser il y a quelques années, et l'a même transformée en une bataille personnelle. En 2005, alors qu'elle est en pleine forme, elle force un débat aux Communes sur la délicate question du suicide assisté en présentant un projet de loi sur le sujet.
Après quelques heures de débat en Chambre, le projet de loi s'est évanoui avec le déclenchement des élections, sans même se rendre à l'étude en comité.
La députée bloquiste n'a cependant pas dit son dernier mot et veut réintroduire sa mesure, plus que jamais persuadée qu'elle s'avère nécessaire. Le projet de loi proposerait de modifier le Code criminel afin d'aider, selon des conditions précises, une personne gravement malade qui désirerait mettre fin à ses jours pour écourter ses souffrances.
Ce n'est pas son épreuve récente qui la pousse à ramener sur le tapis le suicide assisté, mais bien les drames qui sont survenus au cours des dernières années au Québec.
En 2004, Marielle Houle aide son fils de 36 ans, atteint d'une maladie dégénérative, à écourter ses souffrances. Elle plaidera coupable à des accusations d'avoir facilité son suicide.
L'année suivante, en 2005, un homme de Sherbrooke, André Bergeron, cède aux demandes de son épouse qui souffrait d'une maladie incurable de l'aider à mettre fin à ses jours.
S'ajoute aussi le cas de Stéphan Dufour, âgé de 29 ans, qui doit faire face aux tribunaux après avoir aidé son oncle, souffrant et en chaise roulante, à s'enlever la vie, l'an dernier.
Pour la députée, ces cas devraient alerter la société. Elle comprend mal comment les opposants à son projet de loi continuent d'entretenir des craintes de dérapage, alors que les exemples internationaux ont démontré que, une fois bien balisé, le suicide assisté ne mènerait pas à un nombre disproportionné de décès de personnes âgées ou vulnérables.
"Je ne suis pas inquiète de la dérive, a rétorqué Mme Lalonde. Je suis inquiète, par exemple, de ce qui se passe au Québec en ce moment, de ces personnes qui souffrent et qui ne trouvent pas à être aidées et qui vont faire des pressions morales sur des personnes de leur entourage pour les aider à mourir. Ca, je trouve que c'est une pente glissante."
Tous les arguments et études des cas de la Belgique, de l'Oregon ou des Pays-Bas, où des lois de ce genre existent, risquent peu de faire taire les opposants au suicide assisté, une question morale qui divise la société autant que l'avortement ou la peine de mort.
En 2005, le projet de loi de la bloquiste avait d'ailleurs suscité une levée de boucliers dans la droite religieuse, surtout au Canada anglais. Les groupes avaient même lancé une campagne pour stopper le projet de loi et faire pression sur les députés.
Lorsqu'elle présentera de nouveau sa mesure, Mme Lalonde s'attend à une opposition similaire. Ce fut le cas dans tous les pays où des projets de loi semblables ont été débattus, souligne-t-elle.
Outre les efforts récents de Mme Lalonde pour imposer cette question aux parlementaires, il faut reculer de neuf ans pour retrouver ce débat aux Communes. A l'époque, les députés avaient défait une motion de l'ancien député néo-démocrate Svend Robinson, qui proposait la création d'un comité spécial pour étudier le suicide assisté.
Actuellement, il est criminel de porter assistance à une personne malade pour l'aider à mettre fin à ses jours, même si elle implore qu'on l'aide à écourter ses souffrances.
Source: http://www.santecheznous.com/channel_health_news_details.asp?news_id=6&news_channel_id=33&channel_id=33&relation_id=43107