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Nombre de messages : 296 Date d'inscription : 17/11/2008
| Sujet: Comment devrait-on annoncer à un patient - son cancer ? (partie 1) Dim 23 Nov - 23:26 | |
| Infiniment nombreux sont les malades qui, sans jamais l’avouer, ni se l’avouer, " savent ". Une instance d’eux-mêmes sait. Pour une vérité de raison, toutefois, ils ne cherchent pas à éclaircir la situation. Ils ne le disent pas à leurs proches. Ils ne le demandent pas à leur médecin. Ils subissent toutes sortes de traitement, voient la situation évoluer, côtoient des problèmes menaçants et ne demandent rien. Ils déploient même souvent une stratégie complexe, en proposant les premiers des explications et des diagnostics, pour enlever à son médecin la tentation de lui fournir les siens. Dans une telle situation où le système de défense se manifeste, la vérité ne semble pas devoir être dite. Mais le problème n’est pas si simple. Il y a aussi des patients qui clament qu’ils veulent savoir la vérité. Il y ceux qui veulent seulement être convaincus qu’ils ne sont pas atteints. Ceux-ci ne peuvent supporter le doute ; ni le refouler. Mais ils ne sont pas intéressés par la vérité ; ils recherchent une assurance hors de laquelle la vie leur est insupportable, même si le cancer est incurable. La vérité ne devrait pas être dite à cette catégorie. Cependant, sommes-nous capables d’identifier à coup sûr ce type de patient ? Une erreur se paie cher, souvent par une dépression incurable, éventuellement plus grave que le cancer lui-même ; parfois même par un suicide. D’où la tendance naturelle des médecins de nos civilisations latines à exagérer dans le sens du mensonge, par soucis de l’intérêt du patient (primum non nocere). Il y a aussi à l’inverse, ceux qui veulent vraiment savoir, pour toutes sortes de raisons : religieuses, philosophiques, matérielles. Ils souhaitent que cela soit dit avec les mots les plus crûs, et s’en arrangent, réorganisent leurs rapports avec eux-mêmes et avec autrui, sur cette base nouvelle, et vivent peut-être une expérience authentique et importante dont il n’appartient pas à un médecin, ni à quiconque de les priver. C’est là une très lourde tâche du médecin que d’identifier ces différents types de patients, de commettre le moins d’erreurs possibles. La bonne réponse n’est malheureusement pas dans un manuel, elle s’acquiert au cours de la vie médicale. Nous avons vu comment ce problème dépasse largement celui d’une simple vérité à dire ou à ne pas dire. Il nous confronte aussi au double caractère de la démarche médicale : science, mais aussi pratique, qui pour être opérante, se doit d’admettre le subjectif, le particulier, l’individuel et même l’aléa en interaction avec l’objectif et le général. La famille. : L’accompagnement du malade est impensable sans sa famille. Or, la place de la famille est trop souvent banalisée, réduite à celle des procédures psychologiques à employer pour que la famille puisse faire face. Cependant, un médecin a autant à recevoir de la part de la famille et lui doit autant de respect qu’au patient, même si s’occuper des patients mourants et de leur famille demande beaucoup de temps. La famille n’est pas une intruse, mais le trait d’union qui relie le patient à " sa " vie. Il conviendra donc d’agir envers la famille avec la même délicatesse qu’envers le malade, d’avancer avec elle dans une relation de vérité qui lui donnera le temps de réaliser peu à peu les conséquences de la maladie et de commencer progressivement le travail de deuil, tout en conservant la relation avec le malade. Il faut essayer d’éviter que s’installe entre le malade et sa famille un " mur du silence ". Malgré tous les efforts que les médecins peuvent faire, la famille demande souvent de ne rien dire au malade. Or, cela aura pour conséquence d’amener le malade dans une grande solitude, le jour où il se rendra compte de la gravité de son état. Selon P.Schaerer : " il faut tenir compte de deux réalités, de deux exigences : ne pas laisser s’installer entre le malade et la famille un décalage tel que chacun le vivra de part et d’autre comme un mur de silence, isolant notamment le malade. - mais aussi, ne pas faire violence à une famille qui aura à assumer au jour le jour l’accompagnement de son malade. La meilleure solution me paraît être de demander qu’un membre proche de la famille assiste à l’entretien ou aux entretiens au cours desquels le malade recevra l’information. La famille découvre alors deux choses qui sont utiles : D’une part, que le malade se pose des questions qu’il n’a pas osés poser et qu’il a déjà souvent élaboré lui-même la réponse, qu’il a mis un nom sur sa maladie. - D’autre part, que la " vérité " qu’elle redoute peut se décomposer, avec le savoir-faire du médecin en des morceaux de vérité exprimés avec des mots que le malade peut comprendre. Les mots ainsi prononcés serviront de base commune au malade et à sa famille pour prolonger ensemble ce qui aura été dit. Ainsi, on peut se servir d’une information qui faisait obstacle à la communication familiale, pour rétablir une certaine communication. " | |
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